La Prospective :  

Devenir un acteur de l’avenir  

 

 

 

Le Curiosity du 3 décembre 2024 était dédié à la prospective, une discipline permettant de se projeter à long terme. 

Après une présentation par Laura Bidegaray et Aldric Bourgier de l’entreprise Babolat, qui nous accueillait dans ses locaux lyonnais pour la soirée, nous avons eu le droit aux témoignages sur la prospective de Aristide Wolfrom et Sandrine Castan (Spark Lab).  

 

Le Curiosity s’est ensuite poursuivi par une table ronde avec 2 expertes en prospective, Raphaèle Legrand (EssilorLuxottica) et Ludivine Serrière (Leonard by Vinci), puis par un atelier collaboratif avec nos invité.e.s. 

 

Quand on travaille dans l’innovation, on rêve parfois de posséder une boule de cristal. Quoi de plus facile que de préparer le futur si on en connaissait par avance les arcanes ? Mais, malheureusement, nous devons vous avouer que la démarche prospective ne permet pas de lire l’avenir 

En revanche, elle permet de s’y préparer en prenant les devants et en devenant acteur du changement. En réalisant de multiples scénarios, elle permet aux organisations qui s’en servent de définir une stratégie pour s’engager dans la direction souhaitée. 

 

 Chez Spark Lab, nous avons la chance d’avoir des experts de la prospective qui ont trouvé essentiel de lui consacrer une soirée pour acculturer nos partenaires, dans le cadre du Club Curiosity. Des acteur.ice.s de l’innovation ainsi que des invité.e.s spécialistes de la question se sont  donc réuni.e.s dans un cadre intimiste afin d’échanger entre pairs.  

Vous retrouverez dans cet article l’essentiel pour comprendre la prospective, sa pratique, ses outils et ses défis.

 

Bonne lecture !  

 

 

 

Qu’est-ce que la prospective ? (Et qu’est-ce que ça n’est pas ?) 

 

La prospective est une discipline qui vise à explorer et anticiper les futurs possibles, puis à les exprimer sous formes de scénarii afin d’orienter les décisions présentes 

 

Contrairement à la prévision, qui vise à établir quels événements à venir sont les plus probables, la prospective est une démarche de réflexion sur les nombreux futurs possibles.  

 

Elle se différencie également du design fiction qui se centre sur un produit ou un usage. La prospective est, par essence, l’analyse d’écosystèmes entiers. Les scénarii proposés prennent donc en compte des projections politiques, économiques, sociales, technologiques ou encore écologiques. La prospective requiert donc une réflexion collective et la participation d’acteurs d’horizons variés.  

 

Enfin, la prospective diffère des études de tendance, car elle s’intéresse à une échelle de temps beaucoup plus longue. 

 

 

A quoi sert la prospective ? 

 

La prospective sert à établir des scénarios d’avenir. Mais, pour qu’elle soit utile, il est nécessaire de transformer ces scénarios en actions et objectifs. Ainsi, on peut influencer et préparer l’avenir plutôt que d’en subir les transformations. Nos intervenants ont souligné trois usages pratiques qui se rejoignent sur un point : une volonté de préparer et d’orienter l’avenir grâce à la prospective. 

 

 

La prospective pour guider l’innovation 

 

En imaginant différents scénarios futurs, il est plus facile de comprendre les usages et besoins futurs des utilisateurs. La prospective peut donc être un outil pour orienter l’innovation, particulièrement pour les projets à long terme. 

EssilorLuxxotica travaille dans le secteur de l’ophtalmologie. Dans le milieu médical, les innovations s’étalent souvent sur plusieurs années, rendant nécessaire l’anticipation des besoins. 

 

« Nos deux sujets prospectifs majeurs en ce moments sont la pandémie de myopie et l’œil comme miroir de la santé. […] Nous allons vers un monde où, d’ici 50 ans, tout le monde sera myope. C’est important de pouvoir se projeter. On sait également que certaines maladies peuvent se détecter par la santé ophtalmique, comme le diabète. Il se trouve que l’objet lunette est très bien placé pour capter de nombreux signaux. » - Raphaèle Legrand d’EssilorLuxottica 

 

Pour en apprendre plus sur la démarche prospective chez EssilorLuxottica, vous pouvez consulter l’article : Quelles visions d’avenir pour la santé visuelle ? – Mathieu Feuillade, directeur du SciFI Lab EssilorLuxottica R&D 

 

https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/economie/quelles-visions-davenir-pour-la-sante-visuelle/?

 

 

La prospective pour mesurer l’impact 

 

La notion d’impact social et environnemental prend depuis plusieurs années une place majeure dans la stratégie des entreprises. Les changements étant rapides et les écosystèmes complexes, il est compliqué de se rendre compte des répercussions que peut avoir un changement à long terme.  

 

Le groupe Vinci, présent sur de multiples domaines (énergie, construction, …), est une entreprise très décentralisée. Cette approche, qui lui donne un grand ancrage territorial, rend complexe le fait de travailler sur des sujets transverses et transformants tels que l’impact environnemental ou l’émergence de l’IA. Leonard by Vinci a donc été créé dans le but de travailler sur ces problèmes en fournissant des scénarios prospectifs. Par exemple, Leonard by Vinci a décidé de s’emparer d’un sujet sur les océans, une étude a priori éloignée de leurs nombreux cœurs de métier. 

 

« On s’est demandé l’impact qu’avait Vinci sur les océans et inversement. Avec le changement climatique, on commençait à avoir des sujets liés à ses questions. » – Ludivine Serrière de Leonard by Vinci 

 

Ainsi, le groupe de travail constitué d’experts du climat, d’associations, de scientifiques ou encore de skippers a pu identifier les risques, opportunités et leviers d’action liés à l’économie bleue durable pour en faire un rapport public.  

 

Rapport disponible ici : https://leonard.vinci.com/leonard-et-soa-publient-une-etude-sur-leconomie-bleue-durable/ 

 

 

La prospective pour définir une stratégie 

 

Les scénarios prospectifs sont l’occasion de visiter plusieurs futurs possibles et la place qu’y occupe son organisation. On peut ainsi orienter la stratégie d’entreprise pour favoriser l’un ou l’autre des scénarios, ou réfléchir sur le rôle que l’on souhaite occuper dans son écosystème à l’avenir. 

 

Chez Babolat, la prospective a pour objectif de réfléchir la manière dont l’entreprise se différenciera de ces concurrents dans 10 ou 15 ans. Un projet prospectif a par exemple été lancé autour de la question « A quoi ressemblera le joueur de tennis dans 10 ans ? », afin de lui proposer des produits et services adaptés à son usage. 

 

« Babolat est basé sur la conviction profonde que c’est à nous d’imposer notre vision du futur. Nous avons donc un vrai sujet à connecter nos projets et la stratégie. Comment faire pour que l’innovation intervienne dès le début du process stratégique ? […] La manière dont on a transformé l’entreprise ces 20 dernière années, ne sera pas la même manière de la transformer dans les 20 prochaines années. » – Aldric Bourgier de Babolat 

 

Comment (bien) faire de la prospective ? 

 

Les 8 fondements de l’attitude prospective 

 

Faire de la prospective est un état d’esprit qui se définit parfois comme reposant sur 8 piliers permettant de prendre en compte les nombreux acteurs impliqués, et la durée de projection. 

 

 

Les 6 étapes de la prospective 

 

EssilorLuxottica sépare le processus de la recherche prospective en 6 étapes : 

 

  • 1 : La définition du sujet d’étude et de son cadre. 
  • 2 : L’identification des drivers, c’est-à-dire des paramètres susceptibles d’influencer le sujet et d’en transformer l’écosystème. En continuant dans le domaine de la santé ophtalmique, ces drivers peuvent être des changements d’habitudes chez le consommateur (canal d’achats, attentes client, …), politiques (remboursement des frais médicaux, …), technologiques (émergence de nouvelles solutions pour les problèmes de vue, …) ou économiques (émergence de nouveaux concurrents, …). 
  • 3 : L’analyse des tendances en rapport avec les drivers. On tente de comprendre l’impact de chaque driver, et sa probabilité de changements brutaux. 
  • 4 : La formulation d’hypothèses sur la transformation de ces drivers. 
  • 5 : La création de différents scénario.
  • 6 : Le backcasting pour identifier une stratégie à mettre en place. En s’appuyant sur les différents scénarios, l’entreprise établit une vision souhaitable pour l’avenir. Le backcasting consiste en l’identification des différentes étapes et actions qui permettront la réalisation de cette vision. 

 

 

Evidemment de nombreux outils existent pour réaliser chacune de ces 6 étapes. Certains reposent sur des outils de stratégie classiques (analyse PESTEL, analyse SWOT, …). D’autres sont plus spécifique de la prospective comme la cartographie des parties prenantes, ou la méthode DELPHI qui consiste à interroger plusieurs experts pour faire ressortir des consensus. 

 

Un exemple d’outil : Chercher les cygnes noirs 

 

Au cours du Curiosity, les participant.e.s ont travaillé sur la méthode du black swan, une technique pour repérer les signaux faibles. Cette méthode se base sur un trio d’animaux symbolisant les trois pièges qui nous empêchent de préparer l’avenir : les cygnes, les méduses et les éléphants noirs. 

 

Les cygnes noirs incarnent, en prospective, des événements à fort impact, mais si peu fréquents que nous négligeons de les prendre en compte dans nos anticipations du futur. 

 

Les méduses noires sont ces facteurs de changement et aléas que nous avons certes identifiés, mais dont en réalité nous n’avons pas bien compris ni mesuré les conséquences en cascade (ses longs tentacules parfois difficiles à discerner). 

 

Les éléphants noirs sont les facteurs de changement que nous avons bien identifiés (qui ne sont donc pas des cygnes noirs), dont nous avons bien compris les conséquences (qui ne sont donc pas non plus des méduses noires), mais face auxquels nous nous révélons incapables d’agir (pour des raisons politique, de compétences et infrastructure non développées…). 

 

 

 

 

Bien que travaillant dans des secteurs très variés, les participant.e.s ont pu identifier des signaux faibles communs, comme : 

 

  • Cygnes noirs : Black-out de l’approvisionnement en énergie, Hacking global, Emergence d’une technologie disruptive 
  • Méduses noires : Diffusion de l’intelligence artificielle, Vieillissement de la population, Pénurie de matériaux 
  • Eléphants noirs : Scission du monde en plusieurs blocs politiques, Changement climatique, L’exposition aux écrans des plus jeunes 

 

Les bonnes pratiques de la prospective 

 

Les intervenantes de ce Curiosity ont également partagé plusieurs difficultés inhérentes à la prospective, et leurs solutions pour les contourner.  

 

Un des grands enjeux de la prospective est la communication des résultats. Les études sont complexes et denses, il est donc impératif d’avoir une grande pédagogie lors de la délivrance des scénarios. Cela passe par une réflexion autour du public cible. En fonction de sa maturité sur le sujet, il faut adapter le vocabulaire employé, mais également le moment de transmettre l’information ou la forme du livrable. Afin de partager avec ses collaborateurs autour de l’évolution du travail, Leonard by Vinci a par exemple réalisé une BD résumant leur étude. 

 

L’approche systémique de la prospective rend nécessaire la compréhension d’une large variété d’enjeux et de secteurs. Il est souvent plus efficace de capitaliser sur des experts ou à des données déjà existantes (IRIS SUP, France stratégie, …) que de tenter de démêler seuls les relations entre acteurs. 

 

Les cygnes noirs ne mordent pas tous ! 

 

Parler de prospective peut parfois paraître sombre. Il est commun de se focaliser sur les événements négatifs qui pourraient impacter l’avenir des structures ou de notre quotidien. Mais il ne faut pas oublier que les changements, même les plus improbables, sont avant tout une occasion d’innover, de nous adapter et de nous diriger vers un monde plus durable. Et surtout, qu’il existe aussi des cygnes noirs positifs !  

 

En 1987, le Protocole de Montréal est élaboré pour protéger la couche d’ozone en limitant l’usage de nombreuses substances chimiques, forçant les industriels à chercher des solutions plus écologiques. 

 

Nous avons donc terminé ce Curiosity en laissant parler la positivité de nos invité.e.s. Les participant.e.s ont été invité.e.s à rédiger une carte postale mettant en valeur des actions aujourd’hui présentes à petite échelle mais qui, d’ici 2035, pourraient devenir les nouvelles normes d’un monde meilleur. 

 

 

 

 

 

Toute l’équipe Spark Lab vous remercie pour votre lecture : Nous sommes passionné.e.s par l’effectuation, le design thinking, l’innovation et les liens qui sont tissés par cet environnement !